vendredi 27 juillet 2007

Deux jugements intéressants au niveau du droit à l'image


Il y a deux procès concernant le livre "Perdre la Tête" de François-Marie Banier (Gallimard octobre 2005).

Vous n'êtes pas sans savoir qu'il vaut mieux demander l'autorisation de photographier quelqu'un, même un enfant car la Loi offre des protections pour le respect de la vie privée.

Dans le cas que nous abordons aujourd'hui, assez étonnement, la justice va donner raison au photographe. Les raisons invoquées par le juge sont très intéressantes. Il faut noter qu'il s'agit d'un jugement fait en France.

L'auteur associe des portraits photographiques de gens connus mais aussi des marginaux et des anonymes.

Trois personnes identifiables dans le livre contestent la publication de leur photo devant le tribunal. Si l'audience conjointe des deux premières peronnes n'a pas encore eu lieu, le premier jugement a donné raison à l'auteur-photographe.

Cette première affaire concerne le portrait d'une femme assise sur un banc public à Paris. Elle st en train de téléphoner avec son portable en tenant son chien en laisse. Il s'agit d'Isabelle de Chastenet de Puyégur, attachée de presse. Elle réclame 200.000 euros de dommages et intérêts pour atteinte à la vie privée. Elle déclare avoir manifesté son refus quand elle a vu qu'elle était photographiée.

Le tribunal de grande instance de Paris lui a donné tord, estimant que l'image publiée dans le livre était exempt de toute légende ou commentaire, ne révèle rien de son intimité, que la présence d'un animal de compagnie ou ses goûts vestimentaires constituent autant d'indications anodines. Le juge réaffirme un principe établi par la Cour de cassation en 2003 : le droit à l'image n'est pas absolu et doit se concilier avec la liberté d'expression garantie par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et par la Convention européenne des droits de l'homme. En l'espèce, qualifiant M. Banier de photographe de renom, le juge dit que le droit l'image doit céder devant le droit à l'information.

Pour le juge, seule une publication contraire à la dignité de la personne ou revêtant pour elle des conséquences d'une particulière gravité induit la prééminence du droit de l'image. On en arrive ici au second argument de la plaignante : la publication de son portrait dans un album "essentiellement consacré à l'exclusion et à la marginalité" lui porte préjudice dans son travail. Le tribunal répond qu'elle n'apporte aucun élément de nature à convaincre d'un préjudice particulier (...) autre que les réactions émues de certaines de ses proches à la voir figurer dans "un musée des horreurs".

Le tribunal ajoute que si le droit à l'image primait toujours, la photograhie sur le vif ou en rue serait compromise.

La plaignante va faire appel. Son avocate déclare : le droit à l'information doit primer quand l'informatin est avérée, par exemple une manifestation de rue. Mais là, il n'y a aucune actualité. Pourquoi seules les célébrités verraient leur droit à l'image protégé.

L'avocat du photographe rétorque : ces gens célèbres ou pas, marginaux ou pas, font partie de l'humanité que Banier a dépeinte dans ses nombreux livres. Ils n'ont rien de ridicule. Le juge dit qu'un désagrément à se voir dans un livre n'est pas un préjudice.

Le magazine Entrevue a publié des photographies d'Adriana Karembeu, il lui en coûtera 1 franc (français, ancien) et les frais de Justice.

Tribunal de Grande Instance de Paris chambre de la presse Jugement du 12 septembre 2000
Adriana S. épouse K. / SA Société de Conception de Presse ("SCP")
Contenus illicites - Droit à l’image - photographies - atteinte à la vie privée - site internet - préjudice

Faits et procédure
Vu l’assignation délivrée le 25 octobre 1999 par Adriana S. épouse K. contre la Société de Conception de Presse ("SCP"), éditrice du magazine Entrevue, pour avoir porté atteinte à sa vie privée et à son droit à l’image, dans le n° 85 d’août 1999 de cette publication, en faisant paraître :
un premier article, annoncé en couverture par une photographie en pleine page de la demanderesse, accompagnée de la légende "Adriana K. - tout sur le business des Top Models", article figurant en page 63 ; un second article, figurant en page 88 sous l’intitulé "Vu sur internet", comportant 6 clichés de la demanderesse ; Vu les demandes formées par Adriana K. qui sollicite, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, la condamnation de la défenderesse :
au paiement de dommages-intérêts d’un montant de 200 000 F en réparation de son préjudice moral et de 300 000 F en réparation de son préjudice financier et de carrière ; à la publication, sous astreinte de 50 000 F par numéro de retard, d’un communiqué à paraître en première page du magazine Entrevue ; au versement d’une indemnité de 20 000 F sur le fondement de l’article 700 du Ncpc.
Vu les moyens de défense invoqués par la SCP qui fait plaider :
le débouté de la demanderesse, aux motifs : . que l’article incriminé ne porte pas atteinte ni à sa vie privée, ni à son droit à l’image, dans la mesure où il relève de la liberté d’informer sur la réussite professionnelle des top models et sur les images diffusées sur internet, d’autant que les photographies litigieuses représentent le mannequin dans l’exercice de son activité professionnelle ;
. que le préjudice allégué n’est pas établi puisque, s’agissant de son préjudice financier, Adriana K. ne verse aux débats aucune pièce et qu’en ce qui concerne son préjudice moral, il est inexistant au regard de la complaisance dont elle a fait preuve avec la presse dans l’évocation de sa vie avec le footballeur K. ;
au paiement d’une somme de 20 000 F sur le fondement de l’article 700 du Ncpc. Vu l’ordonnance de clôture prononcée le 23 mai 2000 ;
Discussion
Sur l’atteinte à la vie privée Attendu que l’article 9 alinéa 1 du code civil pose en principe que "chacun a droit au respect de sa vie privée" et que ce droit ne subit aucune exception relativement aux personnages publics, quelle que soit leur notoriété ; que ceux-ci sont donc fondés à l’invoquer pour fixer eux-mêmes les limites de ce qui peut être publié, sauf à démontrer, pour le journal, que l’information divulguée est justifiée par l’actualité ou qu’elle a déjà été révélée au public du propre fait des intéressés lui faisant perdre, en quelque sorte, son caractère privé ;
Attendu que la demanderesse met en cause l’article incriminé, au titre de la violation de sa vie privée, en dénonçant le passage selon lequel :
"Elle exige par contrat d’avoir un jour de congé en même temps que son footballeur de mari ! Mais son succès est plus "people" que professionnel, sa carrière, dit-on, est boostée depuis son mariage." ;
Qu’on relèvera toutefois que la seconde phrase de ce propos ne saurait être considérée comme attentatoire à sa vie privée, dans la mesure où :
il s’agit d’un simple commentaire porté sur la carrière de la demanderesse ; la mention de son mariage avec le footballeur K. ne relève plus de sa vie privée au regard de la publicité qu’elle-même y a donnée dans toute la presse ; Que seule la première phrase revêt un aspect plus professionnel, mais que celle-ci est insuffisante pour caractériser une quelconque violation de sa vie privée, alors que :
le contrat évoqué relève de sa vie professionnelle, laquelle est traditionnellement exclue du champ de protection de la vie privée ; l’évocation de son "jour de congé en même temps que son footballeur de mari" est beaucoup trop brève et incidente pour constituer une véritable information portant atteinte à sa vie privée ; Attendu qu’en conséquence, Adriana K. sera déboutée de ce chef de demande ;
Sur l’atteinte au droit à l’image
Attendu que toute personne dispose sur son image, partie intégrante de sa personnalité, d’un droit exclusif qui lui permet de s’opposer à sa reproduction sans son autorisation expresse et spéciale, de sorte que chacun a la possibilité de déterminer l’usage qui peut en être fait en choisissant notamment le support qu’il estime adapté à son éventuelle diffusion ; que l’exigence d’une autorisation donnée par la personne photographiée ne peut trouver de tempérament que lorsque est en cause le droit, tout aussi fondamental, du public à une information légitime, au sens où l’entend la Convention Européenne ;
Attendu qu’en l’espèce, le journal Entrevue reproduit plusieurs clichés d’Adriana K. ;
Que si la défenderesse soutient, sans être démentie, que l’ensemble des clichés litigieux la représentent dans l’exercice de son activité professionnelle, il n’en reste pas moins que leur publication n’est ici légitimée par aucune information liée à l’actualité à proprement parler ;
Qu’en effet, la photographie de la demanderesse en première page de couverture ne peut trouver de justification dans l’annonce d’un article sur "le business des tops" qui pouvait, tout au plus, expliquer la photographie illustrant l’article en page 63 et constitue, à l’évidence, une "accroche" destinée à attirer le lecteur ; qu’en outre, la reproduction de clichés représentant Adriana K., qui seraient diffusés sur un site internet, ne constitue pas, à supposer cette diffusion réelle, une information en soi, puisque le web comporte ainsi des millions d’autres clichés de même nature ;
Que la publication de ces photographies par le journal Entrevue nécessitait donc une autorisation préalable du mannequin dont l’absence génère une atteinte à son droit à l’image ;
Sur le préjudice
Attendu qu’il convient de rappeler que la transgression du droit à l’image est de nature à provoquer, chez son titulaire, un dommage moral et, le cas échéant, un préjudice patrimonial lorsque l’intéressé, par son activité ou sa notoriété, confère une valeur commerciale à son image ;
Attendu qu’en l’espèce, Adriana K. allègue un préjudice financier, en rappelant les termes d’une décision de la cour d’appel de Paris du 9 novembre 1982 indiquant que ce préjudice doit tenir compte "du montant de la rémunération qu’aurait reçu le mannequin professionnel s’il avait autorisé la publication de ces photographies" ; que, malgré ce rappel, qui aurait dû la conduire à fournir au tribunal les pièces indispensables à l’appréciation du "prix de son image", la demanderesse ne verse aux débats aucun élément d’information sur le manque à gagner subi de ce fait ;
Qu’en outre, elle invoque un préjudice de carrière, sans en établir la moindre preuve ;
Qu’à défaut de production de tout justificatif, il ne peut être fait droit à son premier chef de demande ;
Attendu que, par ailleurs, Adriana K. se plaint d’un préjudice moral, qui serait aggravé par la connotation malveillante du texte, laissant penser que sa carrière ne doit son succès qu’au "coup de pouce" publicitaire résultant de son mariage avec Christian K. ;
Que si l’existence du préjudice moral est acquis du fait de l’utilisation, à son insu, d’une image qu’elle entend maîtriser, l’importance de celui-ci n’est caractérisée :
ni par une dénaturation de cette image, qui est en adéquation avec celle qu’elle accepte de donner d’elle-même en d’autres circonstances ; ni par la malveillance du propos allégué, lequel fait référence à son mariage qu’elle a elle-même consenti à rendre particulièrement médiatique ; Qu’en conséquence, son préjudice moral ne peut être que de pur principe et sera suffisamment réparé par l’allocation d’une somme de 1 F à titre de dommages-intérêts, sans qu’il soit besoin d’ordonner, en outre, une mesure de publication pour une diffusion qui remonte désormais à plus d’un an ;
Attendu que les frais exposés par la demanderesse dans le cadre de la présente instance justifient l’allocation d’une indemnité de 8 000 F sur le fondement de l’article 700 du Ncpc ;
Attendu que l’exécution provisoire, qui n’est pas incompatible avec la nature de l’affaire et permet une indemnisation rapide, peut être ordonnée.
La décision
Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire susceptible d’appel :
. condamne la Société de Conception de Presse ("SCP") à payer à Adriana K. la somme de 1 F à titre de dommages-intérêts et une indemnité de 8 000 F à titre de participation aux frais irrépétibles de l’instance ;
. rejette le surplus de ses demandes ;
. ordonne l’exécution provisoire de la présente décision ;
. condamne la Société de Conception de Presse aux dépens.




vendredi 15 juin 2007

George Eastman, un destin hors du commun

Source : Bulletin de l'Association Belge de Photographie d'avril 1932.

Nous lisons dans le journal "La Métropole" d'Anvers : George Eastman, le magnat américain de l'industrie photographique se donne la mort à l'âge de 77 ans.

George Eastman était né à Waterville N.Y. en 1854. Il avait six ans lorsque son père alla s'établir à Rochester N.Y. et mourrait bientôt. Sa mère était infirme. Georges, à 14 ans, quitta l'école. Une société d'assurances, où il trouva emploi, le paya à raison de 3 dollars par semaine. Ses deux soeurs complétaient la famille. Hanté par le spectre de la pauvreté, le jeune Eastman épargna ses gains autant que possible et, la première année, au prix de multiples privations, parvint à économiser 37 dollars. La société d'assurances vit qu'elle avait en lui un travailleur, et bientôt les 3 dollars à la semaine devinrent 600 dollars par an, le maximum possible. Son directeur alors le recommanda pour un poste de comptable dans une caisse d'épargne, au traitement de 1.000 dollars par an.

Mais Eastman ne se contentait pas de son travail de bureau. Ses heures de loisir, il les utilisait à manier l'outil, à bricoler et avait fini par installer tout un petit atelier de menuiserie.

Puis il apprit à faire de la photographie. Il paya 5 dollars à un professionnel qui le mit au courant de la préparation de la plaque humide alors en usage. C'est alors qu'il essaya de remédier au manque de pratique du sytème. Malheureusement, ses expériences furent interrompues : on venait de le désigner pour un poste plus important à la banque. Dans l'intervalle, il apprit que l'Angleterre venait d'être dotée de la plaque au gélatine-bromure. Intéressé, sans attendre des renseignements complémentaires, il se met à l'oeuvre. Il expérimente. Les insuccès le talonnent au lieu de le décourager. Et le grand résultat qu'il obtint fut non pas la plaque parfaite qu'il cherchait mais la viabilité commerciale du procédé. Ce qui était impossible avec la plaque humide, était réalisable avec la plaque sèche : fabriquer en grand et vendre en détail.

Iconographie : Nadar photographie Eastman en 1890.

Et sa résolution fut prise, après quelques tergiversations (entretien de sa mère, horreur de la pauvreté, 1.400 dollars qu'il gagnait annuellement, gain sûr) il décida de se faire fabricant de plaques. Débuts modestes: une chambre à bas loyer, un employé pour le gros oeuvre et lui même pour la partie chimique. La chance fut pour beaucoup dans l'excellence de sa fomule, Eastman l'avouait avec candeur.
Le professeur d'Eastman devint son élève et son client. Il se mit en route avec son appareil et ses nouvelles plaques. Cependant, notre fabricant, qui s'était associé avec Henry Strong et qui avait abandonné son emploi, failli alors se ruiner. On fabriquait pour 4.000 dollars de plaques par mois mais elles ne se conservaient pas. Bien plus, les plaques étaient dépourvues de sensibilité, phénomène qu'on ne s'expliquait point.
Eastman disparut. Quelques mois plus tard, il réapparaissait. Il revenait d'Angleterre où il venait d'acquérir les droits d'exploitation d'une formule excellente. Mais la plaque n'était toujours pas ce qu'elle devait être : c'était la qualité de la gélatine qui gâtait tout.
Vint alors la substitution du celluloïd au verre et la création de l'appareil destiné recevoir le film. n était en 1884. Le Kodak fut lancé l'année d'après et la formule : "Pressez le buton, nous ferons le reste".
Ce fut ce film qui donna l'idée et permit à Edison de réaliser le "Kinétographe".
Alors, en 1888, fut fondée "l'Eastman Kodak Company"qui acquit tous les droits de George Eastman.
Nous ne dirons pas ici l'extension qu'a prise cette affaire, on la connaît : d'une chambre, elle est devenue une installation qui couvre une vingtaine d'hectares au bas mot.
Qu'il nous suffise de dire qu'Eastman laisse environ cent millions de dollars et que ses oeuvres de philanthropie se sont élevées à plus de 75 millions de dollars. Célibataire, il avait fait construire à Rochester un théâtre. Londres lui doit une clinique dentaire comme aussi Rome, Paris, Bruxelles et Sockholm.
Pendant la guerre, il souscrit pour plusieurs millions de dollars aux divers emprunts des alliés. Au demeurant, nombre de ses libéralités ont été faites sous le couvet de l'anonymat.
Rappelons, en ce qui concerne Bruxelles, que la ville avaità donner le terrain. Eastman, de son côté, donnait un million de dollars.
NDLR : trouvant l'article de "La Métropole" un peu "léger", j'ai cherché plusieurs éléments que je pensais intéressants pour le lecteur. Kodak ne veut rien dire mais lorsqu'Eastman lança sur le marché le premier appareil photographique de sa conception, il chercha un mot simple, "claquant", et prononçable dans n'importe quelle langue.

Quant à l'origine de l'expression, dont l'originale est "You press the button, we do the rest", elle provient de ce Kodak, appareil portable à la main, chargé d'un rouleau de négatif papier pour 100 vues. Celles-ci étant réalisées, il fallait confier l'appareil complet au commerçant et recevoir, outre les tirages, son appareil à nouveau pourvu d'un film prêt à être émulsionné.

Concernant le suicide d'Eastman, il est causé par une maladie de la colonne vertébrale qui l'aurait rendu handicapé à vie. Ne pouvant supporter cette idée, il devait se tirer une balle dans le coeur pour échapper à cette destinée. On trouva près de son corps le message suivant : "mon travail est accompli. Pourquoi attendre ?".


mardi 29 mai 2007

On a découvert le plus vieux labo photo intact du monde !



SOURCE "LE JOURNAL DE SAONE ET LOIRE" DU 29 MAI


Près de Chalon-sur-Saône :

Découverte du plus vieux laboratoire photo au monde
Un laboratoire intact, tel que son propriétaire l'avait laissé fermer la veille, il y a 152 ans.
Un tour de clé et une porte s'est ouverte sur un passé vieux de 152 ans. Un laboratoire de l'un des tout premiers photographes au monde vient d'être redécouvert intact. C'est en 1840 que Joseph Fortuné Petiot-Groffier ouvre son laboratoire. Il s'en servira jusqu'en 1855 et décédera mystérieusement, probablement à cause des chimies photographiques. Prudemment, les héritiers fermèrent la porte.De génération en génération, la demeure des environs de Chalon est restée occupée mais cette pièce restait close sans pourtant être totalement oubliée. Car la famille a toujours eu conscience de conserver ainsi un trésor mais qui restait soigneusement bouclé à double tour derrière sa porte en bois, au deuxième étage - désormais inoccupé - de l'habitation.Il y a deux ans, le dernier membre de la famille hérite à son tour de la demeure et c'est là qu'il découvre le trésor. Mais il lui faudra deux ans pour déterminer à qui il choisira de le confier, soucieux de le préserver complet, de ne pas le disperser.C'est ainsi qu'en début d'année, il décide de contacter Pierre-Yves Mahé, l'initiateur de la Maison Nicéphore Niépce, à Saint-Loup de Varennes. « J'ai quelque chose à vous montrer », glisse-t-il. Pierre-Yves Mahé veut venir voir sur place la réalité de cette découverte sans deviner un instant ce qui l'attend.« Je n'attache pas une importance colossale à cette annonce au départ », confie M. Mahé qui a déjà vu des promesses de découvertes sensationnelles se révéler finalement bien banales.Pourtant, quand la fameuse porte s'ouvre enfin devant lui, c'est un monde oublié qui apparaît. Un laboratoire complet, intact, tel que l'avait laissé son utilisateur juste avant sa mort en 1855 et laissé en l'état depuis. « Ce fut un instant grisant, on ne sait plus où regarder il y avait des centaines de bouteilles de chimie, souvent pleines, des centaines d'ouvrages, des objets partout dont plusieurs appareils permettant de réaliser des images selon les deux premiers procédés photographiques, le Daguerréotype et le Collodion ».Et pour lui qui s'investit depuis 1999 dans son projet de Maison Nicéphore Niépce, c'est aussitôt des réponses instantanées à des questions qu'il se pose, des perspectives de recherches. « tout se bouscule dans la tête en un seul instant ».Dans l'émotion du moment, une pensée surgit :« et si tout ceci brûlait demain, je m'en voudrais toute ma vie ». Alors Pierre-Yves Mahé photographie. Tout. De façon désordonnée. « Il y avait urgence à sauver quelque chose ».Le choc de la découverte passé, les responsables de la Maison Nicéphore Niépce, Pierre-Yves Mahé mais aussi Jean-Louis Marignier, Michèle Lourseau, entament l'inventaire complet de ce trésor qui n'en a pas fini de livrer tous ses secrets. « Nous en avons pour plusieurs mois d'études », estime aujourd'hui M. Mahé. Jamais a priori, une telle quantité de chimie d'époque n'avait en effet été retrouvée, plus de 300 flacons encore pleins dont bon nombre encore cachetés. Associé à cela, plus de 400 livres antérieurs aux années 1830 contenant tout le savoir de l'époque sur lequel un photographe pouvait s'appuyer. Bien sûr, tous les accessoires nécessaires à la réalisation de Daguerréotypes et Collodion y sont au complet.Grâce à ce prodigieux bond dans le temps qu'une ouverture de porte vient de lui faire effectuer, ce laboratoire et les résultats des recherches seront présentés dans la Maison Nicéphore Niépce à Saint-Loup de Varennes, en plein cœur du territoire de naissance de l'aventure photographique. définitivement bourguignon.

C. Saulnier

Qui était Fortuné Joseph Petiot-Groffier ?Fortuné Joseph Petiot-Groffier est contemporain de Niépce, Juge à Chalon sur Saône puis maire de cette même ville à partir de 1832, un an avant le décès de Nicéphore Niépce. Considéré comme le père de l'industrie locale (il fonde la sucrerie de Chalon sur Saône et sauve le Creusot après la faillite de la société anglaise Mauby et Wilson). Il s'intéresse à la photo dès 1840, connaît Nicéphore Niépce et son cousin Niépce de Saint Victor, Baldus, Plumier, tous les photographes de l'époque. Il utilise les mêmes fournisseurs et accessoires que Nicéphore dont ceux de l'opticien Charles Chevalier et travaille avec les banquiers qui ont accompagné les Niépce toute leur vie, les frères Costes.